Question de Couleurs

Publié le par Bertrand Guillonneau

Après les bleus à l’âme et quelques égratignures de l’humeur qui cicatrisent vite, il revient les couleurs de ces jours passés à naviguer sereinement quand tout va à peu près. C’est un travail malaisé que de se souvenir de ces moments comme si bizarement cela n’allait pas tellement de soi; les journaux sont pleins de mauvaises nouvelles. Des tâches de couleurs sur l’eau, des nuages qui glissent et traversent l’horizon, plein de riens qui se passent tous les jours et que je ne vois jamais dans mon île de Manhattan, au bord de l’eau pourtant mais hérissée de ce Skyilne que le monde envie parait-il, cette ville debout comme disait Céline.
Se concentrer pour faire revenir à ma mémoire des lumières que je sais naturelles mais ne vois jamais, tellement présentes à cet instant qu’il faut que je me pose pour les apercevoir et tenter de les graver un peu dans mes limbes. Les nuages surtout sans couleurs définies qui montent d’un bord du cercle à l’autre et que l’on ne voit comme jamais mais seulement quand le monde à regarder est bien une hémisphère: ils viennent et passent puis s’en vont. Un manège de tous les jours que mes gratte-ciels m’obstruent, rien de bien compliqué.
Des grains surviennent comme les rideaux de théatre se lèvent. J’entends les trois coups tombés et du gris m’entoure brutalement en camaïeux, puis le bateau qui part au lof sans prévenir sur une mer qui s’aplatit. Vais-je simplement ouvrir la grand-voile, attendre encore ou arriser? Incongruité de la question qui sous la pluie qui commence à tomber en grosses gouttes prend une dimension surréaliste comme si tout, absolument tout allait dépendre de ma décision: donner du mou au charriot de grand voile ou choquer d’abord son écoute? Moment aigu, question de la question, rien d’autre ne compte.
Grains après grains se repose la même question existencielle et farfelue dont dépendra que le bateau se vautrera ou parera les rafales. Je me rejoue mon scénario dans le Upper East Side et l’absurdité ne m’en parait que plus grande. Je ne saurais vous dire laquelle.
Et puis cela ce calme bien sûr quand le vent tourne un peu vers la droite, parfois repétarade, une saute d’humeur que je lui pardonne, les vents tombent bien, le grain passé le ciel revient bleu comme je n’en sais que là et en haute montagne, quand la transparence de l’air fait voir tout au loin, sa froidure briller l’horizon et les étoiles. Un front comme ils disent mais je me moque alors de ces mots techniques, je suis rincé et c’est de l’air pur que je respire.

Publié dans En course

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L
Il faudrait que vous veniez un jour nous retrouver a Point Lookout. On part avec nos catas s'amuser sur la houle, meme les power boat ne nous suivent pas...
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