Solitaire

Publié le par Bertrand Guillonneau

Bon, j’arrête de fanfaronner, de faire semblant, tourner autour du pot, et je reviens à l’essentiel de cette histoire; il faut bien affronter la réalité: c’est une course en solitaire.

Je n’en ai aucune expérience et je me souviens que quand j’avais vu arriver les “solos” au Marin lors de la Transquadra 2002-03, je m’étais fait la réflexion que ce n’était pas pour moi. Déjà à deux on avait donné pendant deux semaines tout notre effort pour arracher cette première place lors de l’étape Madère - Martinique, et je ne voyais pas comment j’aurais pu le faire seul, en comptant les départs au lof ou à l’abattée, les escalades en tête de mat pour décoincer les drisses, dérouler les cocottiers des spinnakers…

Et puis les questions ont commencé à s'insinuer, petit à petit, puis à germer, évidemment: “Mais comment font-ils ?” Envie de savoir, de connaître d’autres sensations, poussé par les expériences de François lors de la dernière édition de la TQS, et de Jean-Claude lors de la Mini-transat 2007, les videos décalées de Gregory Magne lors de cette même Mini-transat; le désir de voir la mer différemment, en un peu plus grand pour moi tout seul, de prendre ce temps pour moi-même, égoïstement je l’avoue.
A part des ronds dans l’eau, je n’ai jamais dormi en laissant le pilote faire son travail, jamais passé plus de 24 heures seul en mer et encore en dormant dans un abri. Je ne sais pas ce qui m’attend, aucune idée, et je me demande comment je gèrerais l’incertitude, les moments d’angoisse quand plus rien n’ira (ma liste de problèmes potentiels est déjà longue sans compter ceux que je n’ai pas imaginés) et auxquels je ne sais comment me préparer. J’imagine, je fais semblant de savoir, je me rassure en me racontant des histoires, en regardant des videos, celle-là surtout que je vous recommande, en écrivant frénétiquement ces notes, en lisant des livres de mer. Je découvre Francisco Coloane.

Bref, un inconnu dans lequel je vais basculer tout d’un coup dans la nuit du Dimanche 27 Juillet; mais la solitude c’est surtout maintenant, alors que je n’ai que des questions sans réponse et que personne ne peut rien pour moi. Sur l’eau, je sais que je n’en aurais plus le temps: je serais avec moi, seulement solitaire.

Publié dans Préparation

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C
Bertrand, c'est pour tous les bizuts la même chose: ne te sens pas seul! On a tous des cauchemards la nuit (et le jour...), on s'imagine tous le pire, on se dit que tout et le contraire de tout peut arriver. On lit des livres de mer et de navigateurs solitaires pour se donner envie et du courage: si d'autres l'ont fait on peut aussi le faire!!!!! Je suis sûre qu'une fois partis tout se remettra dans l'ordre. Le rythme tranquille de la traversée prendra le dessus, il faudra faire ce qu'il faut mais tu sais comment le faire pour l'avoir fait des dizaine, des centaines de fois. Tu auras cette fois comme compagnon seulement ton pilote? tu crois ça! non, tu auras la mer, tu auras les dauphins et surtout tu auras toi-même, ton expérience, tes rèves, qui deviennent réalité. Dans ces moments de déconfort, que par ailleurs j'ai aussi, et que tu connais, je me dis toujours: si d'autres l'ont fait , souvent dans des conditions bien plus spartiates, sans instruments, sans technologie, sans suivi d'un comité de course, sans appuis, je peux bien le faire aussi. dis-toi ça. tu verras ça ira mieux. Mais surtout ne te sens pas seul! Bon courage, le plus dur est fait, j'en suis sûre!
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