Choisir ses voiles
Rendez-vous avec le voilier, enfin celui qui fait les voiles, Michel Sauget qui s’occupe maintenant de la voilerie DeltaVoile à la Trinité. La voilerie a déjà fait des voiles pour Zinzolin, et aussi celles de Zerline, le Pogo2 de mon frère, mais je ne connais pas Michel directement, avec lequel je n’ai communiqué que par emails.
La Trinité, il fait un froid pinçant. Je comptais traîner sur les pontons, voir ce qui ce fait de nouveau, m’imprégner de l’ambiance, me croire déjà en course. C’est raté, seulement des grains glacés, personne sur les quais, et encore moins sur l’eau, et pas l’envie de traîner. Il ne me reste qu’à aller à la voilerie.
Michel est accueillant, rassurant, il a l’air de me prendre au sérieux. Je me demande si c’est bien moi qui discute options, possibilités de voiles, choix tactiques, et je me rends compte que je ne comprends rien à ce qu’il me dit, les côtes, le J, les mesures, les règles de l’IRC… J’ai l’air d’un New Yorkais fraîchement débarqué, ce que je suis finalement. Il me faut faire avec.
Je sens bien que je ne suis pas tout à fait d’accord avec une des ces propositions, mais je ne sais pas le dire, les mots me manquent encore. Je sais que cela est temporaire, mais pour l’instant je ne dis rien. J’écoute et j’essaie de me faire une opinion avec mes mots à moi. Ce n’est pas cette voile-là qui me manque, mais une autre que je crois deviner, et qui comblerais le “trou” dans la garde-robe entre le génois et le spi lourd dans les allures portantes. Donc choisir entre un grand spi extra-léger pour le petit air comme il me le conseille, ou une voile asymétrique de baston, plus petite, plus manœuvrable pour moi qui découvrira le solo.
Moi les grands spis, ça me fait encore peur. J’aime bien mon petit spi lourd de 65 m2, mon “spi à tout faire” comme je l’appelle, celui sur lequel je peux tirer comme je veux et l'emmener jusqu’au travers, qui ne me fait pas peur à envoyer et surtout à ramener. J’en ai déjà un autre de 74m2, léger aussi celui-là, grammage 0.9 –me demandez pas encore ce que cela veut dire, je n'ai pas retenu l'unité- et il m’explique qu’on peut faire encore plus léger, 0.5 ou 0.6. Ca ne me tente pas, je sais comment ça s’enroule sur les étais pour faire de jolis cocotiers quand on est fatigué de regarger en l’air et qu’on se repose les yeux ailleurs que sur les voiles, comme c’est fragile, pareil à une feuille de papier à cigarette. Je me fous de gagner par petit temps et je n’ai pas envie de monter en tête de mât pour le désenrouler. Je ne m’y vois pas. Je me souviens de Christian Bourroulec pleins de bleus à l’arrivée de la première étape à Madère de la Transquadra 2002 pour s’être battu en tête de mât avec son spi enroulé dans l’étai, de François Gouin qui s’est démis l’épaule bêtement en une seconde d’inattention lors de la Transquadra suivante.
Je préfère limiter les risques, et ne pas à avoir à monter... Je veux partir serein, je suis sûr que c’est un gage de vitesse. Lors de la dernière Transquadra, on a seulement eu de la mollasse au cap Finisterre, on y a sûrement perdu là notre classement général –on a fini 4ème de l’étape-, mais pas à cause des voiles me semble-t-il, mais plutôt de l’option et sutout de la difficulté à rester concentré dans la pétole à tenir le spi à la main…Je sais bien que je ne peux pas en tirer de conclusions, mais il faut bien que je me raccroche à ce que connais.
Bon, on résume avec Michel les décisions prises:
- contrôle du spi lourd, du solent et de ma GV de course qui sont en bon état. Cela aussi c’est décidé je ne me ferais finalement pas faire une GV à corne, à cause du surcoût et aussi pour rester dans la jauge de la classe Pogo 8.50. Et adieu donc les bastaques.
- le tourmentin blanc est encore accepté par l'ISAF (International Sailing Federation) pour les courses de catégorie 1 en monocoque -la Transquadra tombe dans cette catégorie- mais le voir de couleur voyante me rassurerait, quitte à faire dans la sécurité. Aller, on va le couvrir de rose, pour aller avec sa joli coque zinzolin, première coquetterie de naufragé en puissance!
- mon ORC a un ris ce qui est contraire aux règles de course: il ne faut pas que la voile de tempête du triangle avant ait de ris. Bon, donc on bouchera la bande de ris ou il faudra retailler l'ORC. Michel va calculer tout cela et faire au mieux.
- le génois: j’en ai déjà mangé deux avec Zinzolin, la preuve que je les utilise. À la jauge IRC je vais le payer car les surfaces de recouvrement GV/voile d’avant pénalisent beaucoup semble-t-il, mais je cours contre les autres Pogo de toute façon. Donc j'en prends un.
- mon spi léger, déchiré pendant le retour New York-Les Açores-Tréboul de l'été dernier, est réparable après avis autorisé. Tant mieux, c'est toujours ça d’économisé tandis que je vois la facture qui s'allonge... Et puis je le connais bien, et il connait la route, on a déjà couru ensemble en 2002. Je suis content qu’on puisse la refaire ensemble!
- et enfin la fameuse troisième voile d’avant non endraillée. Je ne sais toujours pas quoi dire mais un autre spi encore léger pour le petit temps ça ne me dit vraiment rien. Une transatlantique ce n’est pas une régate entre 3 bouée en baie de Quiberon. Je crois bien plus en des choses faciles à manœuvrer et fiables, et gérer une bulle en l’air, je n’y crois pas quand il y a la fatigue. Je botte en touche, et je rappellerais pour confirmer, j’ai encore besoin de conseils.
Enfin, la garde robe commence à reprendre allure. On se dit à bientôt. Je trouve un bar ouvert sur le quai pour manger un sandwich, je regarde par les vitres embuées le port où il ne se passe rien et je me dis que je viens de franchir une étape. Encore combien d’autres, combien de décisions que je ne maîtriserais pas devrais-je encore prendre dans les 6 prochains mois ?
La Trinité, il fait un froid pinçant. Je comptais traîner sur les pontons, voir ce qui ce fait de nouveau, m’imprégner de l’ambiance, me croire déjà en course. C’est raté, seulement des grains glacés, personne sur les quais, et encore moins sur l’eau, et pas l’envie de traîner. Il ne me reste qu’à aller à la voilerie.
Michel est accueillant, rassurant, il a l’air de me prendre au sérieux. Je me demande si c’est bien moi qui discute options, possibilités de voiles, choix tactiques, et je me rends compte que je ne comprends rien à ce qu’il me dit, les côtes, le J, les mesures, les règles de l’IRC… J’ai l’air d’un New Yorkais fraîchement débarqué, ce que je suis finalement. Il me faut faire avec.
Je sens bien que je ne suis pas tout à fait d’accord avec une des ces propositions, mais je ne sais pas le dire, les mots me manquent encore. Je sais que cela est temporaire, mais pour l’instant je ne dis rien. J’écoute et j’essaie de me faire une opinion avec mes mots à moi. Ce n’est pas cette voile-là qui me manque, mais une autre que je crois deviner, et qui comblerais le “trou” dans la garde-robe entre le génois et le spi lourd dans les allures portantes. Donc choisir entre un grand spi extra-léger pour le petit air comme il me le conseille, ou une voile asymétrique de baston, plus petite, plus manœuvrable pour moi qui découvrira le solo.
Moi les grands spis, ça me fait encore peur. J’aime bien mon petit spi lourd de 65 m2, mon “spi à tout faire” comme je l’appelle, celui sur lequel je peux tirer comme je veux et l'emmener jusqu’au travers, qui ne me fait pas peur à envoyer et surtout à ramener. J’en ai déjà un autre de 74m2, léger aussi celui-là, grammage 0.9 –me demandez pas encore ce que cela veut dire, je n'ai pas retenu l'unité- et il m’explique qu’on peut faire encore plus léger, 0.5 ou 0.6. Ca ne me tente pas, je sais comment ça s’enroule sur les étais pour faire de jolis cocotiers quand on est fatigué de regarger en l’air et qu’on se repose les yeux ailleurs que sur les voiles, comme c’est fragile, pareil à une feuille de papier à cigarette. Je me fous de gagner par petit temps et je n’ai pas envie de monter en tête de mât pour le désenrouler. Je ne m’y vois pas. Je me souviens de Christian Bourroulec pleins de bleus à l’arrivée de la première étape à Madère de la Transquadra 2002 pour s’être battu en tête de mât avec son spi enroulé dans l’étai, de François Gouin qui s’est démis l’épaule bêtement en une seconde d’inattention lors de la Transquadra suivante.
Je préfère limiter les risques, et ne pas à avoir à monter... Je veux partir serein, je suis sûr que c’est un gage de vitesse. Lors de la dernière Transquadra, on a seulement eu de la mollasse au cap Finisterre, on y a sûrement perdu là notre classement général –on a fini 4ème de l’étape-, mais pas à cause des voiles me semble-t-il, mais plutôt de l’option et sutout de la difficulté à rester concentré dans la pétole à tenir le spi à la main…Je sais bien que je ne peux pas en tirer de conclusions, mais il faut bien que je me raccroche à ce que connais.
Bon, on résume avec Michel les décisions prises:
- contrôle du spi lourd, du solent et de ma GV de course qui sont en bon état. Cela aussi c’est décidé je ne me ferais finalement pas faire une GV à corne, à cause du surcoût et aussi pour rester dans la jauge de la classe Pogo 8.50. Et adieu donc les bastaques.
- le tourmentin blanc est encore accepté par l'ISAF (International Sailing Federation) pour les courses de catégorie 1 en monocoque -la Transquadra tombe dans cette catégorie- mais le voir de couleur voyante me rassurerait, quitte à faire dans la sécurité. Aller, on va le couvrir de rose, pour aller avec sa joli coque zinzolin, première coquetterie de naufragé en puissance!
- mon ORC a un ris ce qui est contraire aux règles de course: il ne faut pas que la voile de tempête du triangle avant ait de ris. Bon, donc on bouchera la bande de ris ou il faudra retailler l'ORC. Michel va calculer tout cela et faire au mieux.
- le génois: j’en ai déjà mangé deux avec Zinzolin, la preuve que je les utilise. À la jauge IRC je vais le payer car les surfaces de recouvrement GV/voile d’avant pénalisent beaucoup semble-t-il, mais je cours contre les autres Pogo de toute façon. Donc j'en prends un.
- mon spi léger, déchiré pendant le retour New York-Les Açores-Tréboul de l'été dernier, est réparable après avis autorisé. Tant mieux, c'est toujours ça d’économisé tandis que je vois la facture qui s'allonge... Et puis je le connais bien, et il connait la route, on a déjà couru ensemble en 2002. Je suis content qu’on puisse la refaire ensemble!
- et enfin la fameuse troisième voile d’avant non endraillée. Je ne sais toujours pas quoi dire mais un autre spi encore léger pour le petit temps ça ne me dit vraiment rien. Une transatlantique ce n’est pas une régate entre 3 bouée en baie de Quiberon. Je crois bien plus en des choses faciles à manœuvrer et fiables, et gérer une bulle en l’air, je n’y crois pas quand il y a la fatigue. Je botte en touche, et je rappellerais pour confirmer, j’ai encore besoin de conseils.
Enfin, la garde robe commence à reprendre allure. On se dit à bientôt. Je trouve un bar ouvert sur le quai pour manger un sandwich, je regarde par les vitres embuées le port où il ne se passe rien et je me dis que je viens de franchir une étape. Encore combien d’autres, combien de décisions que je ne maîtriserais pas devrais-je encore prendre dans les 6 prochains mois ?